Accord collectif : pas opposable aux salariés si les signataires ne sont pas les bons
Dans une décision particulièrement importante du 31 janvier 2024, la Cour de cassation a jugé qu’un salarié peut contester sans délai un accord collectif si les conditions de validité n’ont pas été respectées lors de sa conclusion, notamment celles relatives à la qualité des parties signataires.
Action en nullité d’un accord collectif : possible dans un délai de 2 mois mais aussi au-delà
Il est possible de demander la nullité d’un accord collectif à condition d’agir dans un délai de 2 mois à compter :
- de la notification de l’accord d’entreprise à l’ensemble des organisations représentatives à l’issue de la procédure de signature, pour les organisations disposant d’une section syndicale dans l’entreprise ;
- de la publication de l’accord dans la base de données nationale dans tous les autres cas (Code du travail, art. L. 2262-14).
Le Conseil constitutionnel a toutefois admis que cette règle ne prive pas les salariés de la possibilité de contester, sans condition de délai « par voie d’exception », l’illégalité d’une clause de convention ou d’accord collectif, à l’occasion d’un litige individuel la mettant en œuvre (décision n° 2018-761 du 21 mars 2018).
La Cour de cassation vient justement de se prononcer sur une action par voie d’exception.
Un salarié peut contester le non-respect des conditions légales de validité de l’accord collectif
Dans cette affaire un accord d’entreprise avait été conclu sur l’aménagement du temps de travail avec une organisation du temps de travail sur 13 semaines. Un salarié estimait cet accord illégal et a sollicité la requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps complet.
La cour d’appel lui donne raison estimant que les DS centraux signataires de l’accord n’avaient pas fait l’objet d’une nouvelle désignation après les élections et que donc l’accord sur le temps de travail, sur le fondement duquel son contrat avait été conclu, lui était inopposable.
Pour l’employeur si l’action d’exception au-delà du délai de 2 mois est possible, elle doit porter uniquement sur le fond du droit et non sur la forme et la procédure de négociation et de signature. Or il estime qu’ici il s’agissait d’une illégalité afférente à la forme ou, à tout le moins, à la procédure de négociation.
Mais la Cour de cassation précise que si un salarié ne peut en effet pas contester par ce biais les conditions dans lesquelles la négociation de l’accord a eu lieu (cela devant se faire dans le délai de 2 mois), il peut, en revanche, invoquer le non-respect des conditions légales de validité de l’accord collectif, relatives notamment à la qualité des parties signataires.
Notez toutefois qu’au final c’est l’employeur qui a eu gain de cause ici car les juges ont estimé qu’à la date de conclusion de l’accord le mandat des délégués syndicaux n’avait pas pris fin. Mais ce n’est pas là ce qu’il faut retenir. Attention un salarié peut contester un accord collectif à n’importe quelle date si les parties qui l’ont signé ne sont pas les bonnes…
Rappel : Un accord d’entreprise est normalement conclu entre l’employeur et une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections du CSE. C’est ce qu’on appelle l’accord majoritaire. Mais il existe aussi d’autres possibilités notamment si le seuil de 50 % n’est pas atteint ou en l’absence de délégués syndicaux.
Cour de cassation, chambre sociale, 31 janvier 2024, n° 22-11.770 (si un salarié, au soutien d’une exception d’illégalité d’un accord collectif, ne peut invoquer un grief tiré des conditions dans lesquelles la négociation de l’accord a eu lieu, il peut, en revanche, invoquer à l’appui de cette exception le non-respect des conditions légales de validité de l’accord collectif, relatives notamment à la qualité des parties signataires)