BDESE : 6 décisions de justice à retenir de 2022
Plusieurs décisions de justice rendues l’année dernière nous permettent de tirer des enseignements utiles pour la BDESE que ce soit sur les informations à faire figurer dans la base, la consultation du CSE, les personnes ayant accès à la BDESE ou encore l’obligation de discrétion des élus.
Sur l’accès à la BDESE
On sait que la BDESE doit être accessible aux élus titulaires du CSE ainsi qu’aux délégués syndicaux.
Mais les accès d’autres personnes peuvent prêter à débat comme les élus suppléants ou les représentants syndicaux au CSE (RSCSE).
Une décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, du 1er juillet 2022, est venue confirmer le droit à tout RSCSE d’accéder au contenu de la BDESE au même titre que les élus titulaires.
Plus de détails avec notre article « BDESE : un représentant syndical au CSE peut-il forcer l’employeur à compléter la base ? ».
Sur l’obligation de discrétion des élus
Certaines informations de la BDESE sont confidentielles. Les élus doivent en principe être informés de quelles informations il s’agit et pour combien de temps. Sachant que face à une information confidentielle, les membres du CSE sont tenus à une obligation de discrétion. Ce qui leur interdit de divulguer l’information aux personnes ne faisant pas partie de l’entreprise, mais aussi aux salariés.
Si un élu ne respecte pas son obligation de discrétion, une sanction disciplinaire est envisageable telle qu’un blâme, un avertissement ou une mise à pied disciplinaire.
La Cour de cassation a confirmé cette possibilité dans une décision du 15 juin 2022. Elle a également précisé qu’en cas de contestation, c’est à l’employeur d’établir le caractère confidentiel des informations au regard des intérêts légitimes de l’entreprise. Ce qui a été fait dans le cas d’espèce : les informations revêtaient, en raison de leur nature et de leur contenu, un caractère confidentiel au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, et ces informations avaient été préalablement présentées comme telles par l’employeur.
Plus de détails avec notre article « Manquement à l’obligation de discrétion : un élu peut être sanctionné ».
Sur la mission de l’expert
La Cour de cassation a rendu deux décisions importantes sur la mission de l’expert chargé par le CSE d’analyser les informations sur la politique sociale (présentes dans la BDESE).
La première décision nous apprend que l’analyse de l’évolution de la rémunération dans toutes ses composantes et l’analyse de la politique de recrutement et des modalités de départ, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude, entrent dans la mission de l’expert désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.
Dès lors l’expert peut demander accès aux DADS ou DSN pour remplir à bien sa mission.
Plus de détails avec notre article « Politique sociale de l’entreprise : l’étendue de la mission de l’expert précisée ».
La seconde décision nous précise que les informations nécessaires à la mission de l’expert doivent être fournies même si elles ne figurent pas aux tableaux supplétifs de la BDESE. Dans cette affaire l’expert-comptable mandaté par le CSE demandait transmission de certaines informations sociales individuelles. En l’espèce, les éléments demandés étaient nécessaires à la réalisation de la mission d’expertise dès lors qu’ils étaient de nature à permettre une analyse complète sur 20 % de la population exclue des données fournies par l’employeur en matière de promotion, de qualification et d’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Les données fournies par la société étaient en effet susceptibles de fausser l’analyse en gommant des écarts de salaire. Ces informations devaient donc être données à l’expert.
Plus de détails avec notre article « Expert du CSE : les informations à lui fournir peuvent dépasser celles listées au titre de la BDESE ».
Sur la consultation des élus
La première décision que nous voudrions porter à votre connaissance concerne les délais de consultation.
Pour rendre un avis éclairé sur une procédure d’information-consultation, le CSE doit disposer d’un délai d’examen suffisant. A défaut d’accord, le Code du travail précise le délai applicable.
Rappel : Le CSE est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai en principe :
- d’un mois à compter de la transmission des informations ;
- ou de 2 mois en cas d’intervention d’un expert ;
- ou de 3 mois en cas d’intervention d’une ou plusieurs expertises dans le cadre de consultation se déroulant à la fois au niveau du CSE central et d’un ou plusieurs CSE d’établissement.
Une adaptation des délais par accord entre employeur et élus du CSE ne nécessite pas un vote formel d’une résolution en réunion et peut résulter d’un simple échange entre les parties.
La Cour de cassation a précisé que dès lors que l’employeur et le CSE conviennent, par un commun accord, de reporter le terme du délai de consultation, cela exclut toute application des délais réglementaires fixés.
Plus de détails avec notre article « Délais de consultation du CSE : les délais réglementaires ne s’appliquent pas en cas d’accord avec le CSE ».
Une autre décision importante concerne cette fois l’articulation des consultations et plus précisément de la consultation sur les orientations stratégiques avec une consultation ponctuelle sur un projet de réorganisation. La Cour de cassation explique que la consultation récurrente sur les orientations stratégiques vise à promouvoir l’anticipation dans les entreprises tout en associant le CSE au processus de définition des orientations stratégiques. Elle a été définie indépendamment des consultations ponctuelles et offre un cadre à une discussion prospective sur l’avenir général de l’entreprise, distincte des consultations ponctuelles sur un projet déterminé ayant des répercussions sur l’emploi.
La Cour de cassation en déduit que les consultations ponctuelles ne sont pas subordonnées au respect préalable par l’employeur de la consultation sur les orientations stratégiques. Plus de détails avec notre article « Consultation sur les orientations stratégiques et sur les consultations ponctuelles : précision sur leur articulation ».
Attention : Rappelons que la BDESE sert de support aux 3 grandes consultations récurrentes comme la consultation sur les orientations stratégiques. Si la BDESE n’est pas mise à jour et ne contient pas les éléments indispensables à une information loyale sur les orientations stratégiques de l’entreprise, les élus ne peuvent pas rendre un avis éclairé. L’employeur peut être condamné à compléter la BDESE sous astreinte et risque un délit d’entrave.
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre 4-2, RG n° 21/17995, 1er juillet 2022 (un représentant syndical au CSE est bien fondé à solliciter la communication de données de la BDES indispensables à l’exercice du droit à la preuve d’une situation de discrimination syndicale)
Cour de cassation, chambre sociale, 15 juin 2022, n° 21-10.366 (revêtent un caractère confidentiel les informations qui sont de nature confidentielle au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, ce qu’il appartient à l’employeur, en cas de contestation, d’établir)
Cour de cassation, chambre sociale, 23 mars 2022, n° 20-17.186 (la communication à l’expert des DADS, devenues DSN, en ce que celles-ci se rapportaient à l’évolution de l’emploi, aux qualifications et à la rémunération des salariés au sein de l’entreprise, était nécessaire à l’exercice de sa mission d’expertise dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise)
Cour de cassation, chambre sociale, 18 mai 2022, n° 20-21.444 (peu importe que les informations demandées ne soient pas au nombre de celles devant figurer dans la base de données, l’employeur doit les fournir à l’expert si elles sont nécessaires à sa mission)
Cour de cassation, chambre sociale, 21 septembre 2022, n° 20-17.058 (les élus ne peuvent pas obtenir le blocage de tout processus consultatif sur un projet de réorganisation au motif que l’information-consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise n’a pas été valablement et loyalement mise en œuvre)
Cour de cassation, chambre sociale, 29 juin 2022, n °21-11.077 (dès lors que l’employeur et le CSE conviennent, par un commun accord, de reporter le terme du délai de consultation, cela exclut toute application des délais réglementaires fixés)