Contester le droit d’alerte économique du CSE : une possibilité pour l’employeur ?
Lorsque le CSE décide d’user de son droit d’alerte économique, l’entreprise peut-elle s’y opposer ?
Droit d’alerte économique du CSE : de quoi parle-t-on ?
Lorsque le CSE a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications.
Cette demande est inscrite de droit à l’ordre du jour de la prochaine séance du comité (Code du travail, art. L. 2312-63)
Si le comité n’a pu obtenir de réponse suffisante de l’employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport.
Ce rapport, au titre du droit d’alerte économique, est transmis à l’employeur et au commissaire aux comptes.
A titre d’exemples, voici des situations qui peuvent potentiellement justifier l’exercice par le CSE d’un droit d’alerte économique :
- perte d’un important marché mettant en cause la viabilité économique de l’entreprise ;
- restructuration économique entraînant le licenciement de salariés ;
- perte d’un financeur ;
- difficultés à assumer les salaires des salariés.
Dans le cadre de l’exercice de ce droit d’alerte, le CSE peut se faire assister par un expert-comptable. La prise en charge financière de cette expertise repose à 80 % sur l’employeur et à 20 % sur le comité social et économique (avec son budget de fonctionnement).
Mais il est possible, hors exercice du droit d’alerte économique, de faire entièrement supporter le coût de l’expertise à l’employeur dans le cadre de la consultation obligatoire sur la situation économique et financière de l’entreprise.
L’employeur peut-il contester et comment ?
L’employeur peut contester l’expertise ordonnée par le comité social et économique (C. trav., art. L. 2315-86).
Aussi, sauf en cas d’expertise portant sur un projet de licenciement collectif d’au moins 10 salariés sur une même période de 30 jours, l’employeur saisit le juge judiciaire dans un délai de 10 jours à compter de :
- la délibération du comité social et économique décidant le recours à l’expertise s’il entend contester la nécessité de l’expertise ;
- la désignation de l’expert par le comité social et économique s’il entend contester le choix de l’expert ;
- la notification à l’employeur du cahier des charges, du coût prévisionnel, de l’étendue et de la durée de l’expertise, s’il entend les contester ;
- la notification à l’employeur du coût final de l’expertise s’il entend contester ce coût.
Le juge statue, dans les 3 premiers cas suivant la procédure accélérée au fond dans les 10 jours suivant sa saisine. Cette saisine suspend l’exécution de la décision du comité, ainsi que les délais dans lesquels il est consulté, jusqu’à la notification du jugement. Cette décision n’est pas susceptible d’appel.
En cas d’annulation définitive par le juge de la délibération du comité social et économique, les sommes perçues par l’expert sont remboursées par ce dernier à l’employeur. Le comité social et économique peut, à tout moment, décider de les prendre en charge.
La Cour de cassation est venue apporter certaines précisions. En l’espèce, une entreprise avait engagé une procédure d’information et de consultation de son comité social et économique à des fins de réorganisation de ses services par une scission en trois entités juridiques distinctes, cette consultation ayant été engagée par deux réunions tenues les 16 octobre et 9 novembre 2020.
Le comité social et économique a voté, le 9 novembre 2020, le déclenchement d’une procédure de droit d’alerte économique et a ensuite voté, lors d’une réunion du 7 décembre 2020, le recours à un expert-comptable agréé afin de l’assister dans cette procédure d’alerte économique.
La société conteste le déclenchement de la procédure de droit d’alerte économique par le comité en alléguant l’existence d’un trouble manifestement illicite.
Pour cela, elle se base sur l’existence d’un accord collectif selon lequel l’ordre du jour ainsi que les documents afférents doivent être communiqués aux membres du CSE au moins 5 jours ouvrables avant la réunion. En effet, le CSE a fait la demande d’inscription à l’ordre du jour en ne respectant pas ce délai conventionnel.
Pour la Haute juridiction l’argument ne fait pas mouche, et elle fait alors une stricte application de l’article L. 2312-63 du Code du travail.
A ce titre, elle estime que l’employeur, s’il peut contester la nécessité de l’expertise, le choix de l’expert, le coût prévisionnel, l’étendue ou la durée de l’expertise, ainsi que son coût définitif, ne peut remettre en cause par voie d’exception la régularité de la procédure d’alerte économique déclenchée par le comité social et économique.
La demande d’alerte économique est inscrite de droit à l’ordre du jour de la prochaine séance du comité, peu important que le délai d’inscription et de transmission de l’ordre du jour et des documents afférents ne soit pas respecté par le comité.
Cour de cassation, chambre sociale, 28 juin 2023, n° 21-15.744 (l’employeur qui saisit le président du tribunal judiciaire selon la procédure accélérée au fond en annulation de la décision de recourir à un expert-comptable lors de la procédure d’alerte économique prévue à l’article L. 2312-63 du même Code, s’il peut contester la nécessité de l’expertise, le choix de l’expert, le coût prévisionnel, l’étendue ou la durée de l’expertise, ainsi que son coût définitif, ne peut remettre en cause par voie d’exception la régularité de la procédure d’alerte économique déclenchée par le comité social et économique)