Délit d’entrave : attention si vous ne consultez pas le CSE sur un dispositif d’évaluation des salariés
L’absence de consultation du CSE peut aboutir à la reconnaissance d’un délit d’entrave, ce qui vous expose à une lourde amende. Illustration avec une affaire récente concernant un outil de gestion aboutissant à évaluer les salariés.
Quelques rappels sur le délit d’entrave
Quand on parle d’entrave, on vise toutes les actions illicites venant retenir, gêner ou faire obstacle aux instances représentatives du personnel.
L’employeur ou un de ses représentants chargé de présider les instances représentatives du personnel peut être coupable de ce délit d’entrave.
Important : les sanctions diffèrent selon la nature de l’entrave :
- toute entrave à la mise en place des instances représentatives du personnel expose l’employeur à une amende de 7500 euros et à une peine d’emprisonnement d’un an maximum ;
- toute entrave commise par l’employeur au bon fonctionnement du comité l’expose à une amende de 7500 euros ;
- toute entrave commise par l’employeur au bon exercice du droit syndical dans l’entreprise l’expose à une amende de 3750 euros mais aussi à une peine d’emprisonnement d’un an maximum.
L’entreprise elle-même peut être poursuivie pour délit d’entrave, avec des sanctions bien particulières.
Les élus du CSE peuvent porter plainte pour délit d’entrave devant le tribunal correctionnel ou saisir le tribunal judiciaire. Ils peuvent aussi, dans un premier temps, opter pour une demande d’intervention de l’inspection du travail.
À titre d’illustration, constituent une entrave au fonctionnement régulier :
- l’absence d’envoi de l’ordre du jour ;
- la fixation unilatérale par l’employeur de l’ordre du jour du CE ;
- l’absence de convocation aux réunions ;
- le non-versement des budgets de fonctionnement ou de l’éventuel budget des activités sociales et culturelles dans les CSE d’au moins 50 salariés ;
- l’absence de remise des informations obligatoires prévues par le Code du travail ;
- l’absence de consultation sur les sujets obligatoires prévus par le Code du travail ;
La Cour de cassation vient de donner un exemple de délit d’entrave relatif à la non-consultation des représentants du personnel.
Illustration d’un délit d’entrave en l’absence de consultation des élus
Dans cette affaire, une entreprise a doté les managers du groupe d’un outil de gestion dans l’objectif affiché de leur permettre « de mieux appréhender les entretiens d’évaluation et d’améliorer l’appréciation de leurs collaborateurs ».
Mais les juges ont considéré qu’il ne s’agissait pas d’un document support à la formation des cadres mais d’une grille d’évaluation des compétences professionnelles du personnel avec des critères qualitatifs précis. Or cette grille est différente de celle utilisée à l’occasion des entretiens annuels d’évaluation, notifiée aux salariés, de sorte qu’elle constitue en réalité une évaluation occulte.
En qualité d’outil d’évaluation, ce document est de nature à générer une pression psychologique importante sur les salariés dès lors que sa finalité est de servir à déterminer les modalités de promotion interne. Les juges en ont déduit que le CHSCT aurait dû être consulté compte tenu de son impact potentiel sur la santé des salariés.
Le défaut d’information conduit à un délit d’entrave.
Les juges précisent que l’élément intentionnel de ce délit est caractérisé par l’inobservation des règles d’information et de consultation du comité, peu important l’absence d’intention de nuire caractérisée ou de volonté de porter atteinte à la représentation du personnel en particulier.
L’intention était d’autant plus caractérisée dans cette affaire que la société a tenté de détruire les fiches d’évaluation et n’en a été empêchée que par une décision du juge des référés.
Notez que cette décision relative au CHSCT est parfaitement transposable au CSE puisque ce dernier doit être consulté avant toute décision d’ « aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » (Code du travail, art. L. 2312-8).
Cour de cassation, chambre criminelle, 6 juin 2023, n° 22-.83.037 (le défaut d’information préalable du comité sur la mise en oeuvre d’un outil de gestion constituant une évaluation occulte de nature à avoir un impact significatif sur les modalités de promotion interne au sein des différentes entités du groupe comme sur la santé des salariés caractérise le délit d’entrave)