Entretien préalable au licenciement : et si le représentant du personnel qui assiste le salarié vous enregistre ?
Si un représentant du personnel qui assiste un salarié lors d’un entretien préalable enregistre vos propos sans vous prévenir commet-il une faute ? C’est ce qu’a tenté de faire valoir un employeur qui a porté plainte, en vain, pour atteinte à la vie privée.
Le droit pour le salarié d’être assisté lors d’un entretien préalable de licenciement
Lorsqu’un salarié est convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, il a la possibilité de venir assisté.
C’est au salarié de choisir son assistant parmi les autres salariés, élus ou non au CSE. N’importe quel salarié peut en effet remplir ce rôle même si assez logiquement ce rôle revient généralement à un représentant du personnel.
Le rôle de témoin de l’assistant permet au salarié de s’assurer aussi que l’entretien se passe dans les règles, surtout si l’assistant est un élu rompu à la procédure disciplinaire et aux procédures de licenciement.
Bon à savoir : Pendant la durée de la mission d’assistance, l’employeur doit assurer un maintien de rémunération de l’élu sans pouvoir déduire cette durée indemnisée du crédit d’heures de délégation dont dispose l’élu. Si l’élu engage des frais exceptionnels pour se rendre au lieu de l’entretien préalable, l’employeur doit également lui rembourser l’intégralité de ces frais.
Il est classique que l’assistant prenne des notes des propos tenus lors de l’entretien et les remette au salarié qui pourra s’en servir comme preuve. Mais peut-il aller jusqu’à enregistrer l’employeur sans l’en avertir ? La Cour de cassation apporte des éléments de réponse.
Un enregistrement pendant l’entretien ne constitue pas une atteinte à la vie privée
Dans cette affaire, un délégué syndical était venu assister un salarié lors de son entretien préalable au licenciement et avait enregistré l’employeur à son insu. Ce dernier a alors porté plainte pour atteinte à l’intimité de la vie privée par enregistrement de paroles tenues à titre privé ou confidentiel.
Mais cette plainte est rejetée. Les juges considèrent que le DS n’a pas commis de faute et que l’entretien entre dans le cadre de la seule activité professionnelle de l’employeur. L’enregistrement n’est, dès lors, pas de nature à porter atteinte à l’intimité de la vie privée, quand bien même les propos enregistrés qu’il incrimine auraient été tenus dans un lieu privé.
Notez que la Cour de cassation ne s’est pas prononcée ici sur la possibilité d’utiliser cet enregistrement dans un éventuel litige prud’homal. Un enregistrement clandestin de l’employeur constitue a priori une preuve illicite. Cependant la chambre sociale est en train d’assouplir sa jurisprudence en admettant certaines preuves illicites. Dernièrement elle a ainsi considéré s’agissant de vidéosurveillance qu’« une preuve illicite peut être utilisée mais sous réserve que son irrecevabilité porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble » (voir l’article « Exploitation de vidéosurveillances illicites : recevables si indispensables à l’exercice du droit à la preuve »).
Cour de cassation, chambre criminelle, 12 avril 2023, n° 22-83.581 (l’entretien préalable entrant dans le cadre de la seule activité professionnelle du dirigeant, un enregistrement par l’assistant du salarié n’est, dès lors, pas de nature à porter atteinte à l’intimité de sa vie privée, quand bien même les propos enregistrés qu’il incrimine auraient été tenus dans un lieu privé)