Nécessité de l’expertise : est-il possible d’invoquer un caractère prématuré pour la contester faute de données dans la BDESE ?
Pour toute expertise décidée par le CSE, l’employeur a des possibilités de contestation. Notamment sur sa nécessité. Illustration d’un motif évoqué par l’employeur en lien avec la BDESE.
Un enjeu lié au financement de l’expertise
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable notamment dans le cadre des trois consultations récurrentes obligatoires qui portent sur :
- les orientations stratégiques de l’entreprise ;
- la situation économique et financière de l’entreprise ;
- la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et de l’emploi.
Les frais d’expertise peuvent selon les cas être mis à la charge exclusive de l’employeur, ou bien partagés entre le CSE et l’employeur ou bien encore laissés à votre seule charge. Ainsi dans le cadre des consultations récurrentes, la prise en charge se fait à 100 % par l’employeur sauf pour les orientations stratégiques (80/20).
Cela explique que bien souvent l’employeur conteste l’expertise. Il peut en effet saisir le tribunal judiciaire pour contester la nécessité de l’expertise, le choix de l’expert, le coût prévisionnel, l’étendue ou encore la durée de l’expertise.
Récemment un employeur a tenté de contester la nécessité de l’expertise en se basant sur un manque de mise à jour de la BDESE.
La BDESE comme argument pour contester l’expertise ?
Dans cette affaire un CSE a recours à un expert-comptable pour l’assister en vue de la consultation annuelle obligatoire portant sur la situation économique et financière de l’entreprise puis un mois après pour l’assister en vue de la consultation annuelle sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.
L’employeur verse un acompte puis décide finalement d’en demander le remboursement tout en refusant de verser le solde. Son argument : ces deux expertises ne rentraient pas dans le cadre des consultations obligatoires mais constituaient des expertises libres dont seul le CSE devait assumer le coût. Il estime en effet qu’elles étaient prématurées dès lors qu’elles avaient été décidées :
- pour la première, avant la transmission des comptes ;
- pour la seconde, avant le dépôt dans la BDES (devenue BDESE) des documents d’information relatifs à la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.
Disons d’emblée les juges n’ont pas répondu à ces arguments car ils sont arrivés trop tard dans la procédure.
Il fallait contester la nécessité de l’expertise dans les 10 jours à compter de la délibération du CSE décidant le recours à l’expertise. Ici l’employeur avait été mis en mesure de connaître la nature et l’objet des expertises dont le délai courait bien et il ne l’a pas respecté.
Il n’en reste pas moins que l’argument peut être intéressant. Notamment pour limiter la durée de l’expertise de façon à ce qu’elle ne dure pas trop longtemps. Si une telle expertise vous parait prématurée car vous n’avez pas fini de remplir les données nécessaires aux consultations récurrentes l’argument pourrait faire mouche. A condition bien entendu que vous soyez bien dans les délais pour donner les informations aux élus. Rappelons en effet que pour rendre un avis éclairé sur une procédure d’information-consultation, le CSE doit disposer d’un délai d’examen suffisant. A défaut d’accord, le Code du travail précise le délai applicable. Ainsi le CSE est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai :
- d’un mois à compter de la transmission des informations ;
- ou de 2 mois en cas d’intervention d’un expert ;
- ou de 3 mois en cas d’intervention d’une ou plusieurs expertises dans le cadre de consultation se déroulant à la fois au niveau du CSE central et d’un ou plusieurs CSE d’établissement.
Cour de cassation, chambre sociale, 18 octobre 2023, n° 22-10.761 (le délai de 10 jours de contestation de la nécessité d’une expertise ne court qu’à compter du jour où l’employeur a été mis en mesure de connaître sa nature et son objet)