Règlement intérieur : quelle action un syndicat peut-il mener en cas d’irrégularité dans sa mise en place ?
Différentes formalités doivent être respectées par l’employeur lors de l’adoption ou la modification du règlement intérieur, comme la consultation du CSE ou encore la communication du règlement à l’Inspection du travail. À défaut, un syndicat peut-il demander en justice sa suspension ?
Règlement intérieur : inopposable aux salariés si les formalités liées à sa mise en place n’ont pas été respectées
Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe les mesures applicables en matière de santé, de sécurité et de discipline. Il est obligatoire dans les entreprises ayant atteint le seuil de 50 salariés durant 12 mois consécutifs.
Pour permettre au règlement intérieur de produire ses effets à l’égard des salariés, l’employeur est tenu de s’acquitter :
- de formalités de consultation : le règlement intérieur ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du CSE ;
- de formalités de publicité : il doit être porté, par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l’embauche (affichage, intranet, etc.) ;
- de formalités de dépôt : il doit être déposé au greffe du conseil de prud’hommes du ressort de l’entreprise ou de l’établissement ;
- de formalités de transmission : il doit être transmis, pour contrôle de légalité et de conformité, à l’Inspection du travail en deux exemplaires accompagnés de l’avis du CSE.
En outre, le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d’un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité.
Notez-le: ces formalités doivent également être respectées par l’employeur en cas de modification, d’ajout ou de retrait de certaines clauses du règlement intérieur.
Aussi, le règlement intérieur ne peut entrer en vigueur et produire ses effets à l’égard d’un salarié dans un litige individuel que si l’employeur a accompli toutes ces diligences, qui constituent des formalités substantielles protectrices de l’intérêt des salariés.
Exemple: le règlement intérieur détermine notamment la nature et l’échelle des sanctions applicables dans l’entreprise. Si les formalités substantielles ne sont pas respectées, vous ne pourrez pas infliger au salarié une sanction prévue par le règlement intérieur, autre que le licenciement. Une telle sanction est susceptible d’être annulée.
De la même manière, les licenciements motivés par une violation d’une clause de neutralité ou un éthylotest positif seraient également susceptibles d’être jugés sans cause réelle et sérieuse.
Mais en cas de carence de l’employeur dans l’une de ces formalités, quel pourrait-être le rôle d’un syndicat sur le plan des relations collectives ?
Règlement intérieur : un syndicat peut demander sa suspension en référé si les formalités n’ont pas été respectées
Pour rappel, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.
La Cour de cassation a apporté une précision quant à la possibilité, pour un syndicat, d’agir en justice en cas de manquement de l’employeur dans l’accomplissement des formalités substantielles liées à la mise en place du règlement intérieur.
En l’espèce, un salarié s’était vu notifier une mise à pied disciplinaire de 2 jours. Il demandait en justice l’annulation de cette sanction.
Le syndicat CGT était alors intervenu volontairement à l’instance pour demander au juge qu’il prononce l’inopposabilité du règlement intérieur ou, à défaut, sa nullité, à savoir de dire et juger que celui-ci n’a jamais existé. Pour ce faire, le syndicat soutient que les modifications apportées au règlement intérieur n’avaient fait l’objet d’aucune publicité auprès du personnel et que l’employeur ne s’était pas acquitté des formalités de consultation et de dépôt.
Pour la Cour de cassation, un syndicat ne peut demander la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise, en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles prévues par le texte précité.
En revanche, un syndicat est tout à fait recevable à demander en référé que soit suspendu le règlement intérieur en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles. Le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente.
La suspension constituerait alors une mesure temporaire par laquelle le règlement intérieur ne produirait plus d’effet tant que l’employeur n’a pas rempli l’ensemble des diligences susvisées lui permettant de le rendre opposable.
Cour de cassation, chambre sociale, 23 octobre 2024, n° 22-19.726 (le non-respect par l’employeur des formalités substantielles prévues par la loi pour la mise en place du règlement intérieur autorise un syndicat à demander en référé sa suspension, dès lors que ce manquement porte un préjudice à l’intérêt collectif de la profession. En revanche, il ne peut demander la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise)